12.14.2012

Le Glown




On m'appelle le Glown.
Clown j'étais à l'époque, ô bénie soit cette époque où j'étais rieur, cabotin, tout en blagues et en soupirs articulés ; j'étais clown et, devant l'enfant, je savais vivre, et virevolter, entre tendresse et potacherie voire, entre ridicule et grâce pure... Mais voilà... Un jour L'homme Derrière la Glace, à cause d'une faute, d'une simple faute de frappe, me fit Glown.
Et, depuis, ma barbe a poussé, mon regard est devenu dur, dur terrible regard et gestes tragiques, ma vie devenue triste à mourir, complexe et insondable, devant l'enfant je me mords la lèvre, il me pousse une cravate, fleurissent les mocassins, émergent des lunettes, et le Glown se transforme en employé de bureau terne et désespéré.
Après la mort, il y a l'enfer.
Après l'enfer, la rue.
Après la rue, le bureau.
Mais attention, hein ? le bureau bien tard, en hivers, le bureau baigné d'une lumière surréaliste, au son du stylo qui gratte comme un chien devant la porte, des petits clapotis du clavier, le bureau dévorant l'espoir de l'homme à la tête courbée, tel un réverbère éclairant mal ce qui se cache derrière le geste, l'intention.

Je n'ai plus que l'intention d'être.

Je ne suis plus que l'intention de ma venue au monde.

Alors le Glown fait attention de ne pas vivre trop fort, le Glown surveille son ombre, pour qu'elle n'aille pas trop loin, garde son ombre, mange avec son ombre, et, toujours, fait gaffe à rester droit.

Les Clowns sont les défauts de tout le monde, et s'empêtrent dans les tentatives de dépasser ces mêmes défaut, jouent à être meilleur pour atteindre la grâce, la petite larme de l'enfant, la transfiguration de l'adulte, l'union du rêve et du monde solide ; moi, le Glown, je suis un seul défaut, celui de ne pas être mort plus tôt, et de ne vivre que dans le rêve, je suis un rêve détaché du monde, un geste suspendu, une intention.

Et l'Homme Derrière La Glace est désormais mon seul public. Et je sais déjà qu'à l'heure prochaine de mon suicide, il mangera des cacahuètes en ricanant devant les restes, les dernières traces du ridicule de sa folie furieuse.

Blam. 

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