12.11.2012

Born to be last

Nous étions deux blacks, deux métis et tous ceux-là, les affreux blancs-becs, majoritaires, nous traitaient de frères. Vrai, nous ne nous ressemblions pas. Aucun trait commun, à part peut-être nos deux papas, qui mirent un peu de noir dans notre sang, du bâtard dans le ventre de nos mères.
Nous étions deux blacks, et tous les blacks sont frères.
Ajoute-moi un chapeau, je suis untel, une paire de lunettes, oh mon dieu on dirait l'autre ! Le chanteur, là ! Cool, mon gars, tiens, regarde moi sans la moustache... De qui j'ai l'air ? Tous les blacks sont frères, c'est comme les chinois.

*

Voyage ô ces fameux voyages de classe, qui laissent, dans nos carcasses, comme une trace d'exotisme crasseux. Style caisses de bières andalouses, anglaises, je peux le dire sans honte: - je me suis pinté dans toutes les impasses d'europe. - de ces pays je n'ai rien vu, mais j'ai pris des photos... de mecs bourrés, ou de panneaux. De trucs rigolos. Bref. Deux blacks, dans le car du retour, moi devant, lui derrière, et c'est le genre à serrer la main mollement, tel un cyclone sous calmants. Derrière: les populaires. Devant: les autres. Je me fais chier. Tout me fait chier. Je suis triste par nature. C'est la fin de l'aventure, la fin de la torture, pour moi, qui, la joue collée contre la vitre, regarde les paysages défiler, ne pensant qu'à rentrer, retrouver ma playstation et ses réalités mensongères et merveilleuses.
Et puis.
Et puis.
Et puis oh et puis soudain, c'est comme une rumeur qui monte, comme un grondement. Derrière les voix se lèvent, tourbillonnent: - allez vas-y. - vas-y ! Hihi ! - VAS-Y ! Allez Marine ! Bon. Ok. Marine et moi on est copains. Je sais déjà ça. Mais de là à ce qu'elle se jette dans mes bras... il n'y a qu'un pas. Un pas de plusieurs siècles. - MARINE ! MARINE ! MARINE ! J'ai chaud. Le sang me monte à la tête. Je n'ose me retourner. C'est tout le bus qui attend qu'elle se lève, et vienne s’asseoir à mes côtés, et me roule un patin. Merde. De quelle côté on la tourne, la langue? Je sue. Je m'essuie le front. Et le nez ? De combien de degrés faut-il pencher la tête ? Vers la droite ou vers la gauche ? J'ai terriblement chaud. Je souris. Je me retourne. - OUAIIIIS !
Ouais quoi ?
Elle est pas là.
Pas à côté de moi.
Elle est derrière, parmi les populaires. Et à côté, oui, de lui, mon frère. Je tombe. Mes illusions tâchent mon tee-shirt "born to be last". Je deviens secrètement mesquin. Comment n'y avais-je pas pensé ? Lui est derrière, moi devant, lui c'est le dominant, moi l'intello, le bidasse de l'amour, je suis damné, infiniment black, mais sans le groove. Lui c'est Kanye West, moi Sebastien Folin. C'est pourtant facile: il s'habille mieux que moi. Tous les blacks sont frères. Un rien les rend humains.

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