3.11.2013

Aucune forme de poésie


la première frappe
la première fois où tu as perdu le contrôle
cette putain de frappe qui t'a bercé
des années durant
alors que tu te pensais un lâche
oui mon vieux
cette frappe-là ce moment où tu ne sais pas
si tu pleures ou si tu ris ou si tu hais
juste
vas-y arrache-lui la gueule à ce connard
ou c'est lui qui le fera
qu t'a bercé lorsque tu disais oui papa
d'accord papa
papa je
oui mon fils
non rien
le soir dans ton lit la frappe était là
l'impact était un lancinant tic-tac
et le mélange des chairs du sang
la sensation réelle d'une mâchoire qui se casse
cette frappe qui n'est qu'instinct
fureur honte excitation
et peur
peur de ne pas savoir enchaîner
peur de soudain se mettre à pleurer
d'être faible
de supplier
de ramper comme un chien en reniflant
et de s'accrocher à la jambe de Julian Torres
14 ans
qui est maintenant épanoui dans un travail qui lui rapporte
de quoi avoir trois ou quatre enfants
qui l'intéresse vraiment
et il est vrai que depuis qu'il s'est coupé les cheveux
il a ce regard alerte qui vous transcende
un homme rare vraiment
mais à l'époque un vrai petit connard
et tu es devant lui et le coup part
Julian Torres 14 ans s'écroule comme un vrai connard
et alors vraiment
tu te sens fort
libre
respecté
et tu sais que plus rien jamais ne te fera peur
et que tu sauras toujours
toujours éviter de pleurer
- jusqu'au jour où une femme mettra ta vie en sang
et s'en ira un soir sans raison apparente
laissant derrière elle un homme agenouillé
un homme qui prie qui supplie qui perd toute dignité
en marmonnant reste
reste s'il te plaît
cet homme qui se lève à présent
en criant
cet homme tous ces hommes qui gueulent qui beuglent de douleur
et qui ne pensent à aucune forme de poésie
juste reste là
froidement dit
reste là s'il te plaît
où je te frappe, et prie
pour que ça ne  m'arrive pas

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